CHAPITRE XXXV

Kirtan Loor tira sur sa tunique et rajusta sa casquette. Rappelé à Coruscant, il se sentait nerveux. Sa mission était de détruire l’Escadron Rogue. Si une partie des pilotes avait péri à Borleias, les autres s’en étaient tirés, dont Wedge Antilles et Corran Horn. De plus, ils avaient abattu un nombre impressionnant de Tie. Kirtan ne pensait pas que Ysanne Isard serait de très bonne humeur.

La porte de son bureau s’ouvrit. Isard portait son uniforme écarlate d’amiral. Ses cheveux tirés en arrière étaient retenus par une pince.

Elle lui fit signe d’avancer, l’air faussement accueillant.

— Je vous en prie, agent Loor, entrez. J’espère que votre voyage n’a pas été trop fatigant.

— Je vous prie de m’excuser de n’être pas arrivé plus tôt. Mes plans initiaux ont été perturbés, d’où cette semaine de retard.

— Je suis au courant. Une autre opération mobilisait les ressources que j’entendais utiliser pour assurer votre retour. J’espère que votre séjour imprévu sur Toprawa s’est bien passé ?

Toprawa avait aidé la Rébellion au temps de la première Étoile Noire. En punition, l’Empire avait ramené la planète au stade pré-industriel. Le moyen de transport le plus rapide était les banthas, le feu restant la seule technologie autorisée. Les Impériaux, eux, vivaient dans des citadelles étincelantes dont les lumières ne s’éteignaient jamais, rappelant aux indigènes ce qu’ils avaient perdu à cause de leur perfidie.

— Vous avez étudié la population, je suppose ? demanda Isard.

Kirtan avala sa salive.

— Oui. Ces gens sont misérables et pathétiques.

— Avez-vous été témoins d’un festival ?

Il hocha la tête. Le « festival » en question était l’irruption d’une troupe de commandos au centre d’un village. Les soldats amenaient avec eux un chariot chargé de sacs de grain. Pour les obtenir, les villageois devaient ramper en se lamentant sur la mort de l’Empereur.

La nourriture leur était distribuée en fonction de la sincérité de leur chagrin.

Kirtan ne doutait pas que nombre d’entre eux en soient venus à regretter vraiment le trépas de l’Empereur.

— Ils ont conspiré contre l’Empire et appris à leurs dépens que leurs actions avaient des conséquences. Nous leur avons montré que l’Empire était le plus fort. Ils vivent désormais avec l’espoir d’être acceptés de nouveau en son sein.

— J’ai vu. Et je me souviens.

Isard se détendit légèrement.

— Oui, je connais votre mémoire visuelle.

Kirtan leva le menton.

— Madame le Directeur, je suis désolé d’avoir échoué.

— Vraiment ? Pourquoi pensez-vous avoir échoué ?

— Vous m’aviez ordonné de détruire l’Escadron Rogue. Je n’y suis pas parvenu.

— Il est vrai que l’Escadron Rogue existe toujours. Mais l’attaque sur Borleias l’a durement touché. Votre rapport le montre. De plus, vos informations sur l’entreprise privée de Derricote sont très importantes. Vous n’auriez pas pu me les cacher, bien entendu, puisque ces installations sont la clé de la défense qui a permis de repousser les Rebelles.

— Je suis heureux que vous soyez satisfaite, dit Kirtan.

— Pourtant, j’attendais autre chose de vous, agent Loor. Avez-vous idée de ce que c’est ?

— Non.

— Et savez-vous pourquoi vous n’avez pas la moindre idée de ce que je veux dire ?

— Non.

— Parce que votre imagination est atrophiée. Souvenez-vous de ce que Gil Bastra pensait de vous.

Kirtan s’empourpra.

— Il estimait que je me fiais trop à ma mémoire exceptionnelle et que je m’en servais pour compenser mon manque de capacités analytiques. Oui, je m’en souviens. Et j’ai essayé de changer mon approche. J’ai analysé les stratégies possibles des Rebelles. Et j’ai sélectionné certaines planètes qu’ils étaient susceptibles d’attaquer. J’avais raison, puisque Borleias figurait sur cette liste.

— Et pourquoi étiez-vous à Borleias ?

— Parce que vous m’y avez envoyé.

— Exact. Et qu’en avez-vous conclu ?

— Que votre analyse de la stratégie des Rebelles correspondait à la mienne.

— Réfléchissez un instant ! Si j’étais capable de prédire où les Rebelles vont frapper, croyez-vous que je vous enverrais observer leur attaque ? Seul ? Je vous assure que je n’ai pas une si haute idée de vos capacités guerrières.

Borleias aurait dû être prise par les Rebelles ! Les ressources secrètes de Derricote ont tout fait rater…

— Depuis le début, agent Loor, le problème avec les Rebelles, c’est de les localiser. Après la mort de l’Empereur, ils ont multiplié leurs bases, les rendant plus difficiles à détruire. Vos efforts à Talasea étaient louables. Si Devlia n’était pas un imbécile, l’Escadron Rogue aurait peut-être été anéanti.

Mais ceci n’est qu’un exemple de la difficulté à situer les Rebelles que nous voulons détruire.

Borleias n’est qu’une planète parmi d’autres leur permettant de se frayer un chemin vers le Noyau et le Centre Impérial. Il est presque impossible de se défendre contre ce type d’attaque. Et inutile, si on garde à l’esprit que la destruction de la Rébellion est le seul moyen de restaurer l’Empire. Voilà pourquoi je vous ai envoyé à Borleias.

Où j’ai découvert l’usine secrète de Derricote.

— Vous m’avez envoyé espionner le général Derricote ?

Isard hocha la tête.

— Ses capacités peuvent m’être utiles. Qu’il ait restauré l’ancienne usine Biotics indique que ses talents ne se sont pas atrophiés. Quand j’ai reçu votre rapport, j’ai envoyé un vaisseau, le chercher. Il est ici.

— Mon retour a été retardé parce que vous avez utilisé pour lui un vaisseau censé me ramener.

— Très bien, agent Loor ! L’arrivée d’un superdestroyer impérial l’a convaincu sans peine de me rejoindre. J’ai envoyé des hommes à moi s’occuper de son usine.

Elle se sert de ses installations pour le forcer à coopérer Kirtan ferma les yeux, espérant que sa confusion disparaîtrait.

Rouvrant les yeux, il s’aperçut qu’il n’en était rien.

— Pardonnez-moi, madame, mais j’ai perdu le fil de la mission que vous m’avez confiée.

— C’est toujours la même : détruire l’Escadron Rogue. Que je vous fasse parfois remplir une autre mission ne doit pas vous détourner de votre but principal.

— Vous allez me renvoyer à la poursuite des Rogues ?

— Non. Vous resterez ici et vous travaillerez avec le général Derricote.

Kirtan ouvrit la bouche pour poser une question, mais il se ravisa.

— Comme vous le souhaitez, madame.

— Il n’est pas nécessaire de vous lancer à leurs trousses, parce qu’ils seront bientôt ici. Quand ils arriveront, ils seront accueillis comme ils le méritent – avec tous les honneurs que vous avez prévus pour eux !